.(....)
à cet enfant je lègue devant
Dieu, devant
les hommes et mon chien, devant le jour vivant
(qui n'est que parce que je suis et qui mourra
comme je meurs) je lègue, pour autant que se pourra,
pour autant qu'il en fasse usage en lieu et place
de moi, ses père et mère en un seul être pris,
je lègue tous mes biens de chair, d'esprit,
de temps toujours compté et d'illusoire espace :
le coin de ciel que j'ai scruté en vain, l'arpent de terre où j'usai mes semelles, les quatre murs entre quoi je me tins, les six cloisons qui leur seront jumelles;
l'argent qui m'est entre les doigts filé
— pour le plaisir que j'eus à le répandre —, le faux savoir qu'on me crut refiler
— pour le bonheur d'aussitôt désapprendre — ;
les jours passés que je n'ai pas vécus, les jours vécus près desquels suis passée, le temps mortel à quoi j'ai survécu, l'heure éternelle et pourtant
effacée ;
l'amour jeté dont j'ignorais le prix, l'amour donné à qui ne sut le rendre, l'amour offert qu'aussitôt je repris, l'amour perdu qu'on voit dehors attendre.
(....)
À l'enfant que je n'ai pas eu
je lègue enfin, pour qu'il en tienne
bien compte, pour qu'il s'en souvienne
par contumace, lorsque sera décousu
l'ourlet de mon passage sur l'étoffe ancienne :
les quinze choses que jamais je n'ai pu faire : courber le front devant plus grand que moi, marcher sur plus petit, montrer du doigt, crier avec la foule, ou bien me taire, reconnaître
parmi les
Blancs le
Noir, choisir dix justes, nommer un coupable, trouver telle attitude convenable, lire un autre que moi dans les miroirs, conjuguer l'amour à plusieurs personnes, résister à la
tentation, blesser exprès, rester dans l'indécis, dire
Cambronne au
lieu de merde, qui est plus français.
Extraits de "Testament" de Liliane Wouters,"Liliane Wouters, née le 5 février 1930 à Ixelles et morte le 28 février 2016 à Gilly, poétesse, auteur dramatique, traductrice, anthologiste et essayiste belge." dit Wikipédia
à cet enfant je lègue devant
Dieu, devant
les hommes et mon chien, devant le jour vivant
(qui n'est que parce que je suis et qui mourra
comme je meurs) je lègue, pour autant que se pourra,
pour autant qu'il en fasse usage en lieu et place
de moi, ses père et mère en un seul être pris,
je lègue tous mes biens de chair, d'esprit,
de temps toujours compté et d'illusoire espace :
le coin de ciel que j'ai scruté en vain, l'arpent de terre où j'usai mes semelles, les quatre murs entre quoi je me tins, les six cloisons qui leur seront jumelles;
l'argent qui m'est entre les doigts filé
— pour le plaisir que j'eus à le répandre —, le faux savoir qu'on me crut refiler
— pour le bonheur d'aussitôt désapprendre — ;
les jours passés que je n'ai pas vécus, les jours vécus près desquels suis passée, le temps mortel à quoi j'ai survécu, l'heure éternelle et pourtant
effacée ;
l'amour jeté dont j'ignorais le prix, l'amour donné à qui ne sut le rendre, l'amour offert qu'aussitôt je repris, l'amour perdu qu'on voit dehors attendre.
(....)
À l'enfant que je n'ai pas eu
je lègue enfin, pour qu'il en tienne
bien compte, pour qu'il s'en souvienne
par contumace, lorsque sera décousu
l'ourlet de mon passage sur l'étoffe ancienne :
les quinze choses que jamais je n'ai pu faire : courber le front devant plus grand que moi, marcher sur plus petit, montrer du doigt, crier avec la foule, ou bien me taire, reconnaître
parmi les
Blancs le
Noir, choisir dix justes, nommer un coupable, trouver telle attitude convenable, lire un autre que moi dans les miroirs, conjuguer l'amour à plusieurs personnes, résister à la
tentation, blesser exprès, rester dans l'indécis, dire
Cambronne au
lieu de merde, qui est plus français.
Extraits de "Testament" de Liliane Wouters,"Liliane Wouters, née le 5 février 1930 à Ixelles et morte le 28 février 2016 à Gilly, poétesse, auteur dramatique, traductrice, anthologiste et essayiste belge." dit Wikipédia
Commentaires
très bon choix ! bravo Mamaz !! Bises-